C’était au bord de la Route Royale, à une journée de marche de la ville de Kram.
La grosse
auberge se dressait à deux jets de pierre de la chaussée. Haute de trois étages,
entourée d’une pelouse impeccablement tenue, elle se donnait des airs de ferme
seigneuriale. Une lune légèrement voilée éclairait sa façade de briques rouges,
cloisonnées de colombages noirs. Encore humide de la dernière averse, son toit
de chaume scintillait de millions de gouttelettes. La lumière lunaire et le
chatoiement des gouttes d’eau concouraient à donner à la robuste bâtisse un côté
rassurant, presque enchanteur. A l’avant, flanquée de deux bâtiments bas, une
petite cour pavée conduisait au perron de pierre du logis principal. Deux ânes
et un cheval étaient attachés au bas des marches, leurs guides passées dans un
anneau de bronze scellé dans la maçonnerie. Serrés les uns contre les autres,
les trois animaux bravaient placidement le froid pinçant. Des volutes de buée
s’échappaient de leurs naseaux au rythme de leur respiration. Au-dessus de la
porte d’entrée, une enseigne de fer forgé grinçait sous l’effet de la brise. Le
nom de l’établissement n’était plus lisible, mais on devinait le dessin de deux
coqs de combat prêts à en venir aux ergots.
Parvenu en
haut des marches, une fois passée la porte de l’hostellerie, on pénétrait dans
la grande salle commune. Elle était presque déserte en cette soirée de fin
d’hiver. Il était bien passé l’âge de la paix et de la prospérité. Le temps où
les voyageurs, les pèlerins et les marchands couraient les routes, de foires en
braderies et de fêtes en marchés. Le bon temps où ils remplissaient en
permanence chaque recoin de chaque auberge et bondaient jusqu’aux écuries de la
dernière taverne.
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